Le monde

Je voulais tout vous dire, tout vous donner. Dans les trains, j'écris. Tant d'attente! Des journées complètes, et c'est sur le papier, dans les trains, que je m'élance. Il faut de la force pour ça, partir, c'est la brutalité des voyages, et l'élan c'est tout ce qu'on possède.

Je me débarrasse des mots qui hantent mon souffle comme on se dévêt d'une peau trop vieille pour une plus jeune. C'est l'heure des choix, cette heure arrive toujours, pour tous, vous êtes capable de l'affronter, ou pas, vous seul savez lorsqu'il est temps, ou pas encore, ou jamais. Seul joue l'équilibre de vos désirs pour ça.

Le monde. Un siècle nous a terrassé plus que tous les autres et nous avons le vertige, hors lui des sanglots lents et violents là détonnent, blessés au cœur d'une langueur monotone. Si tant et contenus. C'est au moment de tout donner, au moment où vous vous abandonnez complètement, l'instant de bascule avant l'incertain, avant que les muscles se tendent après l'attente et que vous ne sautiez du plongeoir immense, à chaque fois que vous admettez qu'il va falloir vous en remettre au rythme des choses, c'est le premier élan vers les lèvres de la fille qu'on tente de submerger par la mer, c'est la puissante vague d'un siècle entier qui vous traverse et vous emporte, à l'heure des choix.

Mon immense amour – tout te donner. Le monde semble parfois si banal pour vous, le heurt du monde l'acuité de mon écorchement le monde c'est la mer, mon coeur que ses lames lacèrent. Lorsque le plongeoir fuit dans la chute, lorsque vous touchez les lèvres au contact primeur et lorsque vous écrivez vous êtes emporté par l'élan des vagues, le seul qui vous possède en entier – le monde c'est la mer.

Et parfois le monde vous déchire, brutal, âpre, sauvage, et il demande encore que vous l'acceptiez, il vous perd et se fout de vous en vous proposant des choix biaisés. Le monde toujours cherchera à vous user et à vous proposer une vieillesse de pierre. Ce sera, impitoyablement encore, l'heure des choix. Il n'y a au monde qu'une seule issue pour vivre: répondre à l'heure des choix, cela n'a jamais d'importance de se tromper.

Retour